dimanche 8 décembre 2013

Une analyse de Marc Durand : Interdiction fracturation = Interdiction recherche scientifique?

Nous remercions notre ami Marc Durand qui nous a fait parvenir son analyse où il revient sur les conclusions du
Rapport de l'Académie des Sciences  en date du 15 novembre 2013
et du
Rapport de l'OPECST  portant sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique adopté le 26 novembre 2013:

 
Interdiction fracturation = Interdiction recherche scientifique?

On avance comme argument pour tenter de faire lever l'interdiction de la fracturation hydraulique que cette interdiction empêcherait la poursuite de la recherche scientifique. La science dont il serait question ici est la recherche en géologie relative aux gisements d'hydrocarbures.

Premièrement dans le domaine de la R&D (recherche et développement), l'exploration des gisements d'hydrocarbures de roche mère se situe beaucoup plus du côté "développement" que du côté du pôle "recherche".

On peut distinguer trois volets à la R&D:

 1- La recherche fondamentale

 2- La recherche appliquée

 3- Le développement expérimental

Il y a aussi le développement pur est simple, c'est-à-dire la dernière étape avant la mise en production dans le cas d'un procédé industriel; cette étape comme celle de la production ne relève pas de la R&D.

Dans les juridictions où un interdit touche la fracturation hydraulique (France, Vermont, Espagne, Québec, etc) c'est l'emploi d'une technique déjà inventée, testée sur des dizaine de milliers de puits aux USA, qui est prohibé. La recherche géologique dans ces mêmes secteurs géographiques n'est pas interdite. Tester la rentabilité d'une technique déjà développée et protégée par des brevets, dans des secteurs géographiques nouveaux, ne constitue pas de la recherche. Le but d'opérations de fracturation en France serait de tester la rentabilité d'une technique existante dans un nouveau gisement et non pas de tenter d'inventer une nouvelle approche technologique. C'est du développement pré-production et nullement de la R&D.

Tout forage, et l'emploi de toutes les autres techniques d'exploration améliore la connaissance du milieu géologique souterrain; cela constitue de la recherche géologique appliquée à un contexte géologique. Mais c'est l'analyse des échantillons de roc remontés dans les opérations de forage qui sert à cette connaissance. Si des opérations de fracturation sont ensuite effectuées dans le forage, cela n'a pour but que la future production de pétrole ou de gaz. Cela n'a plus rien à voir avec la recherche géologique.

Supposons un instant qu'on penserait inventer en France une technique maison de fracturation hydraulique écologique par exemple, on serait peut-être alors dans 3- du développement expérimental, mais certainement pas dans de la recherche là non plus. Cette illusion bien française de lever l'interdiction afin de mettre au point la "recette maison" ne tient pas la route. Le développement de la fracturation hydraulique aux USA s'est poursuivi sur des milliers de fracturations; la recette est maintenant protégée par des brevets américains. En France, comme au Québec un certain temps, on envisage quelques dizaines de forages expérimentaux avec des permis dérogatoires, bien trop peu en réalité pour tenter une compétition avec la fracturation hydraulique classique.

Les droits sur la ressource en hydrocarbures sont déjà accordés en France, à des détenteurs nord-américains pour la plupart. Leur intérêt premier est de mettre en valeur ces permis d'exploitation; ils ont déjà la technique toute prête. Réinventer la roue ne sera pour eux que des frais inutiles. Ils pourront comme au Québec faire semblant de se plier de bonne grâce à ces contraintes; le PDG de l'APGQ (l'association de l'industrie au Québec) l'a exprimé très clairement ainsi "… nous ne pensons pas qu'étudier 6 puits expérimentaux au Québec … nous permettra d'apprendre quoi que ce soit de plus que nous connaissons déjà avec 40000 puits dans le reste de l'Amérique du Nord"   (http://youtu.be/-ktLQ2rDAkg).

Toute dérogation, toute fracturation autorisée sera bienvenue pour l'aspect économique uniquement; c'est très bénéfique pour faire monter la valeur des droits miniers détenus par les pétroliers. De la motivation en termes de profits certes, mais prétendre que c'est de la science est tout à fait faux !

Marc Durand, doct-ing.  décembre 2013

vendredi 22 novembre 2013

Audition de Marc Durand par l'OPECST

C'est le mardi 26 novembre à 17h que doit se dérouler au Sénat l'examen du rapport sur « Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels » par MM. Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir.
 
C'est le jeudi 24 octobre que, suite à la demande de notre association, Marc Durand, venu spécialement du Québec pour participer à notre Grand Débat sur le thème "Faut-il exploiter les hydrocarbures de roche-mère?", a été auditionné par cette commission.

Nous vous proposons ci-dessous, un compte-rendu effectué par Marc Durand, suite à cette audition.


Dans le cadre de son étude relative aux techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste, le comité OPECST a retenu pour m'auditionner la plage horaire de 9h30 à 10h30. L'audition a eu lieu à l'Assemblée nationale, le jeudi 24 octobre 2013,  101 rue de l'Université, àPARIS (Salle 7055 - premier sous-sol).

Les personnes présentes étaient pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques:

 - monsieur le député Christian Bataille

 - monsieur Fabrice Robert, conseiller des services du Sénat

 - madame  Catherine FORGEARD Administratrice principale à l'Office parlementaire

Monsieur Jérémy Wauquier, vice-président adjoint de l'A.D.S.E.N.E., m'accompagnait lors de cette audition

On m'avait indiqué d'apporter une présentation sur une clef USB pour une présentation PowerPoint et qu'il y aurait un projecteur et un ordinateur relié pour cette projection. Comme aucun des deux n'était finalement présent dans la salle, j'ai utilisé directement l'écran de mon ordinateur portable que j'ai orienté vers MM Robert et Bataille, pour présenter mes diagrammes. Cette présentation est pour l'essentiel celle que j'ai utilisée le 25 octobre à St-Cyr*. J'ai disposé cependant plus de temps à Paris le 24, car ma présentation KeyNote a duré 50 minutes. En plus des diagrammes de la présentation de 24 minutes à St-Cyr, celle à Paris comportait quelques diapos en plus qui traitaient des techniques alternatives, ce qui intéressait particulièrement le comité. MM Bataille et Robert ont posé aussi pendant la présentation des questions spécifiques à certains diagrammes.

 
À la fin de ma présentation, il y a eu 20 minutes de période questions; des questions très pertinentes qui démontraient bien ce que j'ai perçu comme un grand intérêt pour mon point de vue. Notamment, monsieur Bataille m'a demandé s'il ne serait pas envisageable, puisque les puits se remettent en pression après l'abandon, que la production de gaz et/ou pétrole reprenne alors. Une question bien pertinente à laquelle la réponse est celle-ci: dans le volume vide puits+fractures ouvertes il y aura l'équivalent d'une production de quelques jours ou quelques semaines, mais le débit retourne ensuite rapidement sur la courbe de production, i.e. sa partie à faible débit en décroissance exponentielle. Donc il est aucunement envisageable qu'il y ait un quelconque intérêt pour la réouvertures de puits abandonnés, car ils étaient justement rendus dans cette zone de trop faible production, raison de leur fermeture. Autre réponse sur les techniques alternatives, j'ai carrément dit que "cette illusion" était très souvent évoquée en France, mais qu'ailleurs dans le monde, les spécialistes, moi compris ne prenaient pas ces annonces très au sérieux.
 
J'ai débuté ma présentation par exposer en trois minutes mon parcours scientifique, ainsi ce qui m'a amené à étudier la problématique des hydrocarbures de roche mère. J'ai expliqué également en deux minutes pourquoi je croyais utile d'apporter au comité de l'expertise et des cas concrets tirés de l'expérience pratique Nord-Américaine (Québec et USA). Très sincèrement, je dois dire que j'ai été très satisfait de cette rencontre qui aura duré dix minutes de plus que prévu. J'ai remis au comité la version PowerPoint de ce que j'ai présenté, ainsi qu'un DVD contenant mes autres textes importants, ainsi que les vidéos Gaz de schiste 101 et 102. Je sais que dans les bureaux gouvernementaux l'accès aux sites Facebook est parfois interdit, donc j'ai fourni directement au comité mes documents.
 
J'ai bien insisté dans ma présentation sur un point essentiel pour les travaux de l'OPECST: tous les questions géologiques et géotechniques que je soulève dans mes analyses sont reliées à la fracturation. Elles ne changeraient pas,  même avec une autre technique. La fracturation artificielle est indispensable pour extraire les hydrocarbures, et le processus géologique de migration dépend de la nature géologique du shale. Il est illusoire de penser que des techniques de fracturation autres permettraient de contourner ces phénomènes. Le vieillissement des puits et la remise en pression de la couche fracturée sont également incontournables. Je suis bien intéressé de voir ce qu'ils auront retenu de cette présentation.

Marc Durand, Doct-ing.

mercredi 30 octobre 2013

Marc Durand revient sur notre Grand Débat


De retour au Québec, Marc Durand, que nous remercions à nouveau d'être venu jusqu'à nous pour nous fournir une présentation d'une grande clarté et un vrai débat de haute tenue avec Charles Lamiraux (géologue de l'IFPEN), nous a fait parvenir quelques réflexions sur notre Grand Débat: "Faut-il exploiter les hydrocarbures de roche-mère?"
 
Voici son texte, qui peut aussi être consulté directement sur sa page Facebook en cliquant sur le lien suivant:

Débat Scientifique



À St-Cyr-sur-Morin, un regroupement de citoyens préoccupés par les projets d'exploitation d'hydrocarbures de roche-mère dans la région de la Brie, en France, a pris l'initiative de réaliser la tenue d'un débat scientifique sur la question. Dexter Raynaud, l'initiateur de l'ADSENE (Association Défense Santé Eau Nature et Environnement) avec l'appui de bénévoles de son groupe, a organisé un débat scientifique et apolitique sur la question fondamentale: devrait-on exploiter les hydrocarbures (gaz et pétrole) de roche mère? (communément désignés par le mot schiste)

Ce débat peut, sans fausse modestie, être qualifié d'international en ce sens qu'en plus de mettre face à face un ingénieur-géologue de France et un deuxième que le groupe a fait venir d'outre Atlantique, il a aussi été l'occasion de confronter deux visions: celle vécue depuis 40 ans d'exploitation de pétrole en Île de France et celle vécue depuis 2007 au Canada, au Québec plus particulièrement, mais aussi dans la région des plaines de l'Ouest (Saskatchewan, Colombie-Britannique) et du Dakota.

La problématique a donc été présentée sous deux éclairages géographiques bien distincts, deux visions également; celle d'un géologue de l’IFPEN de grande expérience, monsieur Charles Lamiraux, versus celle d'un ingénieur avec une vision plus géotechnique, Marc Durand. Ces deux éclairages sur ce sujet complexe ont permis à l'assistance d'avoir une présentation vraiment centrée sur des points essentiels, ce qui contraste avec la teneur de bien d'autres confrontations où les "pros" et les "contres" empilent en vrac, chacun de son côté, des éléments et arguments pas toujours crédibles ou pas nécessairement essentiels. Dexter Raynaud et l'ADSENE ont depuis toujours mis beaucoup d'efforts pour éviter cet enlisement d'argumentaires. Le Grand Débat du 25 octobre 2013 est une belle réussite en ce sens qu'il a constitué le premier vrai débat scientifique entre deux experts compétents pour traiter des questions fondamentales. On se doit de souligner, car cela est remarquable, que cette réalisation ne relève pas d'institutions universitaires ou gouvernementales, qui auraient pu, ou dû avec leur mission désignée, réaliser ce type de rencontre. Elle est entièrement le fruit du patient travail bénévole d'un groupe de citoyens, simplement préoccupés par le besoin manifeste d'obtenir et de diffuser de l'information complète, non biaisée, crédible et objective.

L'assistance a eu la possibilité de poser des questions aux deux spécialistes qui s'affrontaient dans ce débat. Il en ressort que la population demeure inquiète des impacts environnementaux encore très mal mesurables. Le débat a incontestablement permis d'apporter des informations nouvelles et d'en élaguer d'autres moins bien étayées. Il ne clôt certes pas les discussions relatives aux hydrocarbures de roche mère, mais le grand débat de l'ADSENE a constitué une étape significative dans l'analyse de cette question.

 

mercredi 23 octobre 2013

dimanche 13 octobre 2013

Le Grand Débat : Doit-on exploiter les hydrocarbures de roche-mère ? - Géologie et technique - vendredi 25 octobre 2013 à Saint-Cyr-sur-Morin

Notre association aura le plaisir d'accueillir Marc Durand, venu spécialement du Québec pour participer à ce débat qui sera une grande première en Ile-de-France.
Charles Lamiraux, de l'IFPEN, a accepté de dialoguer dans ce débat contradictoire où chacun pourra dans un premier temps exposer sa position.
Le débat, qui promet d'être passionnant, abordera la question d'une exploitation des hydrocarbures de roche-mère sous un éclairage exclusivement scientifique et technique.

Vous trouverez ci-dessous notre communiqué de presse sur cet événement:


Vous pouvez aussi accéder à notre dossier de presse qui comprend, entre autres documents, une interview de Marc Durand et de Charles Lamiraux.

Dossier de Presse


Décision du Conseil Constitutionnel: QPC (Décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013)

C'est vendredi 11 octobre à 10h que la décision a été rendue publique: Le Conseil Constitutionnel a rejeté les griefs présentés par la société Schuepbach Energy LLC et déclaré conformes à la constitution les dispositions contestées de la loi du 13 juillet 2011, dite Loi Jacob.

Les articles 1 et 3 qui étaient contestés ont donc été déclarés conformes à la constitution. En un mot, la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux demeure ainsi interdite, conformément à la loi du 13 juillet 2011.

Nous vous avons rassurés tout l’été, et cette décision atteste du bien fondé de notre approche raisonnée et raisonnable. Une nouvelle fois les dangers que pourraient représenter une exploration ou une exploitation des hydrocarbures de roche-mère par la fracturation hydraulique se trouvent repoussés.

Il conviendra néanmoins, comme nous le faisons depuis le début de notre action, de rester vigilant. Il s’agit là d’une victoire, mais nous savons que rien n’est gravé dans le marbre dans un contexte où, comme nous le rappelions lors de notre réunion publique du vendredi 4 octobre, ici ou là des sirènes voudraient nous donner un « désir de schiste ».

Nous savons, en particulier, que le rapport que soumettra prochainement l’OPECST risque fort de se prononcer en faveur d’une exploration ou autres expérimentations en concluant que des techniques alternatives à la fracturation hydraulique existent ou peuvent exister… Ce faisant nous nous entrons dans le cadre plus nébuleux et sous certains aspects plus « obscur » de cette loi de 2011 qui, rappelons le dans son article 2 prévoit la création « d’une Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. »

Cette dernière a « notamment pour objet d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives.

Elle émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public »


C’est d’ailleurs ce que laissait entendre François Hollande vendredi matin en commentant la décision du Conseil Constitutionnel :

"Cette loi prévoit uniquement d’interdire l’utilisation du gaz de schiste par fracturation hydraulique, donc elle n'empêche pas la recherche dans d'autres domaines". Vous le voyez nous gagnons encore un peu de temps, et il est vraisemblable que les échéances électorales prochaines repoussent encore un peu ces dangers, mais ils ne sont pas pour autant éliminés . Notre débat du 25 octobre s’annonce passionnant.

Parce que pour nous l’essentiel est de fournir à chacun tous les éléments d’information dans leur intégralité vous pourrez consultez en cliquant ci-dessous:



mercredi 25 septembre 2013

Examen en séance publique de la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) No. 2013-346


C’est donc hier, mardi 24 septembre, que le Conseil Constitutionnel a examiné, en audience publique, la question prioritaire de constitutionalité (QPC - n° 2013-346 QPC) soumise par la société américaine Schuepbach.

Cette société a posé la question de la constitutionnalité des articles 1 et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ».

Selon cette société ces dispositions seraient contraires à l’article 5 de la Charte de l’Environnement (principe de précaution) et au principe constitutionnel d’égalité et des articles 16 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (garantie des droits et droit de propriété).

Vous pourrez suivre cette séance publique en cliquant sur le lien ci-dessous :


La décision du conseil sera rendue le 11 octobre prochain. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de ce dossier, et vous renvoyons à notre « Newsletter adhérents» de l’été qui évoque ce qui pourrait survenir si, il s’agit-là d’une hypothèse que l’on ne peut écarter, la loi Jacob venait à être invalidée.

 

lundi 19 août 2013

Un allié inattendu



Nous remercions notre amie, membre de notre association, Anne-France Dautheville pour son compte-rendu d’un entretien accordé il y a quelques semaines par un ancien dirigeant de Mobil Oil à Ellen Cantarow, journaliste à TRUTH-OUT.ORG 

Un allié inattendu

 
            Dans le concert de louanges adressées aux merveilleux schistes par les ténors de l'industrie pétrolière, une fausse note fait désordre: Louis W. Allstadt, ancien vice-président de Mobil. Il est contre, et il le dit à Ellen Cantarow, qui l'interviewe pour le site « Truthout » le 19 juillet 2013.

 
            Pendant toutes les années de sa longue carrière, Louis W. Allstadt a servi la cause du pétrole au cœur de la très puissante entreprise américaine Mobil. Il a débuté dans la logistique avant de passer au marketing et au raffinage. Douze ans à Singapour et au Japon surtout, le plus grand centre d'action après les USA. Dernier chapitre de cet itinéraire d'un enfant doué, avec la responsabilité de quarante tankers qui tournaient autour du monde, pleins de pétrole à vendre ou remplis de pétrole fraîchement acheté. C'est dire s'il connaît bien le monde pétrolier, son fonctionnement et sa logique. Allstadt a participé à la fusion de Mobil avec Exxon et puis il a pris sa retraite après trente et un ans de bons et loyaux services.

            Exxon-Mobil est devenu le groupe le plus puissant de l'industrie pétrolière, tandis que, dans sa maison de Cooperstown, au bord du lac Otsago dans l'état de New-York, Louis W. Allstadt se préparait à vivre un repos délicieux.
 

Questions à un pro.

            Tout aurait pu se poursuivre dans le bonheur et l'harmonie si des amis ne lui avaient demandé son avis sur la fracturation hydraulique: il était question d'un forage tout près du lac. En bon professionnel, Allstadt s'est documenté avant de répondre; 1500 pages du SGEIS, un pavé produit en 2011 par le Département de l'Environnement de l'état de New-York. Sa réaction à cette lecture fut claire et précise: "Tout simplement horrible !" La fracturation hydraulique est, selon lui "un forage conventionnel sous stéroïdes". Les ravages causés par ces produits dopants sur le corps des athlètes sont une bonne image des dégâts causés par cette nouvelle technique.

 

Une retraite peu tranquille.

            L'information peut faire basculer une vie. Allstadt avait imaginé un quotidien partagé entre le kayak, la galerie d'art ouverte avec sa femme, la poterie et le tennis… Il se retrouve parmi les meneurs de la révolte contre la fracturation hydraulique. Avec des arguments.

            Jusqu'en l'an 2000, on produisait du pétrole ou du gaz avec des méthodes conventionnelles: un forage perce  une couche rocheuse imperméable, libère le pétrole et le gaz qu'elle emprisonne. Il ne s'agit pas d'une caverne souterraine, ils sont pris dans une roche poreuse, mais la pression naturelle du gaz fait remonter les deux. 20 ou 30 ans plus tard, il faudra donner un coup de pouce supplémentaire.
 

- L'industrie pétrolière  vous dit et répète que le forage horizontal et la fracturation existent depuis 60 ans. C'est vrai. Mais la différence, c'est le volume des fluides de fracturation et le volume du retour dans les puits de forage: entre 50 et 100 fois plus que ce qui est utilisé dans les puits conventionnels. .. L'autre différence, c'est que la roche au-dessus de la zone visée n'est pas forcément imperméable, alors qu'elle l'était dans les puits conventionnels. Et pour moi, ce dernier point est au moins aussi important que le précédent. L'industrie vous dira que 2000 ou  3500m entre la zone de fracturation et la surface empêcheront toute remontée du méthane. Mais il y a déjà des cas où le gaz s'est retrouvé dans la nappe phréatique ou dans l'atmosphère, parfois en filant par les forages, parfois par les craquelures naturelles de la roche.
 

Le mystère du paragraphe perdu.

            Les fuites de méthane sont un enjeu majeur dans le drame de la fracturation hydraulique. Louis W. Allstadt raconte l'histoire d'un appendice du SGEIS de juillet 2011. Il faisait état d'une étude menée par le Ministère de l'Environnement dans une zone houillère. Les pétroliers y utilisent la fracturation hydraulique pour récupérer le méthane produit par les couches de charbon. Le Colorado et le Nouveau-Mexique, des régions aux paysages somptueux, sont victimes de ce procédé; en 2004, ils ont produit 70% de ce type de méthane. Cette étude, donc, décrivait des fissures qui s'étendaient dans des directions et sur des distances tout à fait inattendues. En septembre, quand le document a été publié, l'appendice et les fissures avaient sauté.

 

- Faire l'impasse sur la seule preuve directe de ces fissures ou rayer ce fait de l'information publique indique que l'industrie pétrolière essayait de cacher quelque chose… Cela montrait que les fissures pouvaient permettre au méthane d'atteindre l'eau potable de la nappe souterraine aussi bien que l'atmosphère.

             Au cours de cet interview, M. Allstadt confirme ce que nous avons appris en France aussi: que le méthane est un gaz à effet de serre bien plus nocif que le dioxyde de carbone, et ceci à court terme: moins de 100 ans. A propos des progrès techniques, il affirme qu'ils sont indéniables: on est, par exemple, capable de forer à 400 km au large de Terre-Neuve, au milieu d'un couloir d'icebergs. Mais ceux qui mettent au point ces techniques admirables travaillent avec la notion d'un périmètre bien précis; ils n'ont aucune idée de la dimension planétaire de leurs inventions. Ainsi ont-ils imaginé la fracturation hydraulique, sans envisager un seul instant ses effets catastrophiques. Allstadt cite une étude selon laquelle 100% des bouchons insérés dans les puits abandonnés ne serviront plus à rien dans les 100 ans à venir, et parfois même avant.
 

Il est temps de penser l'avenir.

            Les pétroliers affirment que l'exploitation des schistes permet d'établir un pont vers les énergies renouvelables. Sauf qu'il ne se passe rien.

- Ce n'est un pont que si vous en posez les fondations sur l'autre rive. Et personne  ne les construit, martèle Louis. W. Allstadt.

            A l'époque des crises pétrolières, Mobil et Exxon avaient investi dans la recherche sur le solaire; ils ont abandonné: les cellules ne produisaient pas assez d'électricité pour que l'aventure soit rentable. Il y a eu un essai d'exploitation des schistes sans fracture hydraulique; abandonné. Biocarburants, algues comprises, abandonnés. Solution ? Informer, susciter des mouvements citoyens, exiger des politiques des lois protectrices.  Développer des énergies alternatives. "Sinon, dit Allstadt, il se produira une catastrophe climatique, et personne ne pourra l'ignorer."

            Les associations de lutte contre l'exploitation des schistes utilisent la plupart des arguments exposés par M. Allstadt. Les représentants de l'industrie pétrolière  les balaient  avec le parfait mépris du spécialiste-qui-sait pour le pauvre ignorant qui ose s'aventurer sur un terrain auquel, par définition, il ne comprend rien. Seulement voilà: l'une des voix les plus éduquées en la matière se joint à notre concert. Celle d'un homme qui fut l'un des plus importants dans le monde bien fermé auquel nous nous affrontons. 

Si vous lisez l'anglais, vous trouverez l'interview de M. Allstadt sur le site:


 

Autre document édifiant: la lettre d'un responsable environnemental de Denver, dans le Colorado, à propos des menaces sur l'eau potable dues à la fracturation hydraulique. Il précise la collusion entre le Ministère de l'Environnement et l'industrie pétrolière. Ce qui, bien entendu, n'arrivera jamais en France.


 

Anne-France Dautheville

mardi 13 août 2013

Ordonnance relative à la participation du public - date d'entrée en vigueur: 1er septembre 2013

Philippe Martin, le ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie,  a présenté  vendredi 2 août, un "projet d’ordonnance relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement".

Vous pourrez accéder, grâce aux liens ci-dessous, aux documents suivants:

- Ordonnance du 5 août 2013 (J.O. du 6 août 2013)

- Rapport au Président de la République (J.O du 6 août 2013).

mercredi 31 juillet 2013

Cessons de crier au loup!


Consultés depuis la mi-juillet par plusieurs de nos amis adhérents inquiets, qui nous signalaient une « alerte » en raison de l’imminence d’un « forage pétrole de schiste en Seine-et-Marne » et de ce qui était décrit comme une « première phase d’exploration du pétrole de schiste », il nous semble utile de faire, à nouveau, le point afin de couper court à ce qui pourrait constituer une nouvelle tentative de désinformation, nuisible à la cause que nous défendons sans relâche depuis avril 2011.

Bien évidemment nous ne saurions nous leurrer sur les véritables intentions des pétroliers ou autres gaziers dans le Bassin parisien ou ailleurs : gagner du temps en attendant, espèrent-ils, de pouvoir mener à bien, dans un avenir plus ou moins distant, leurs objectifs d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures (liquides ou gazeux) de roche-mère.

A l’heure où nous rédigeons ces lignes seule une vigilance s’impose, une vigilance totale certes, mais une vigilance éclairée, loin de tout loin de tout amalgame et autre manipulation.

Toutefois, alors que l’intention première de ces industriels est toujours d’actualité, elle se heurte aujourd’hui à :

-           une législation interdisant la fracturation hydraulique, seul procédé utilisé dans l’exploration et l’exploitation du schiste (Loi du 13 juillet 2011, dite « Loi Jacob »)
-          et à une explicitation de la réglementation extrêmement claire grâce à la circulaire du l’ancienne ministre de l’environnement en date du 21 septembre 2012  et à sa mise en œuvre concrète par les arrêtés préfectoraux du 30 avril 2013 concernant les forages de recherche de Chartronges, Doue  et Jouarre (La Petite Brosse ). Voir documents ci-dessous :
Afin de permettre à chacun de mieux comprendre cette réalité nous vous invitons à consulter les documents accessibles grâce aux liens ci-dessus.  

Chacun pourra ainsi vérifier qu’il n’y a aujourd’hui aucune menace directe d’exploration du schiste contrairement à ce que certaines rumeurs voudraient nous le faire croire. Rappelons par ailleurs que pareille exploration nécessiterait l’utilisation de la fracturation hydraulique, procédé interdit en France depuis la loi Jacob (cf. supra) pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. 

Pareilles rumeurs sont dangereuses, on peut d’ailleurs s’interroger sur leur motivation véritable. Chacun pourra y réfléchir.  Contentons nous de suggérer qu’elles sont, pour le moins, le fruit de tentatives de manipulation partisanes et font tristement le jeu des pétroliers en jetant le discrédit sur le mouvement citoyen auquel nous participons pleinement et qui s’est mis en place début 2011. 

Potentiellement plus dangereuse, dans un avenir proche, est la décision qui doit être rendue à l’automne (au plus tard le 12 octobre prochain) par le Conseil Constitutionnel sur la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) que lui a transmise le Conseil d’Etat le 12 juillet dernier. En effet, si le Conseil Constitutionnel débouchait sur une déclaration d’inconstitutionnalité  des articles 1 et 3 de la loi du 13 juillet 2013 cela pourrait rapidement conduire à un début d’exploration des hydrocarbures dits « non conventionnels ». 

Cependant le danger reste en partie maîtrisé car ce risque pourrait être immédiatement contré par une décision du gouvernement de présenter un nouveau texte de loi qui intègrerait les recommandations et les conclusions du Conseil Constitutionnel.  C’est d’ailleurs cette formule que semble retenir l’actuel ministre de l’environnement, M. Philippe Martin, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche (21 juillet 2013) que nous citons ci-après :
 
Question du JDD : « Que ferez-vous si le Conseil constitutionnel annule l'interdiction d’explorer? »
Réponse de Philippe Martin :
«  Nous allons défendre la loi qui interdit la fracturation hydraulique. Mais s'il y avait une censure, même partielle, nous rétablirions l'interdiction sans hésitation. Il n'y aura pas de faille ouverte pour ceux qui souhaitent revenir sur cette loi. »
Source JDD, le 21/07/2013
 
Avant de conclure, rappelons aussi la prise de position, du Président de la République à l’occasion de son interview du 14 juillet dernier : "Tant que je suis président, il n'y aura pas d'exploration de gaz de schiste".

F. Hollande parle bien « d’exploration », ce qui signifie que la recherche et l’exploration ou évaluation du sous-sol avec fracturation hydraulique sont  exclues. Ici aussi, il conviendra, certes, de rester vigilant, mais la clarté de cette prise de position est indiscutable. Il est vain et quelque peu malhonnête de vouloir ici opposer « gaz » et « huile » comme certains semblent tentés de le faire. 

En conclusion, les travaux entrepris aujourd’hui dans le Bassin Parisien par les entreprises HESS et Vermilion, y compris à Jouarre et à Chartronges, sont des forages conventionnels. A Chartronges, comme à la Petite Brosse, les forages qui ont eu lieu ou qui sont le point de commencer visent à analyser la colonne sédimentaire jusqu’à une profondeur se situant entre 3000 et 3500 m.
C’est ce qui peut donner lieu à des interrogations légitimes, car à cette profondeur on voit bien que le Lias – où se trouverait une réserve potentielle d’huile de schiste – est concerné.
 
 Ainsi on peut, bien évidemment, s’interroger sur le bien fondé de ces forages, mais répétons le, il ne s’agit pas d’une exploration du schiste qui nécessiterait l’emploi de la fracturation hydraulique. 

Ce sont, en partie, des manœuvres qu’il convient de placer dans un cadre économique purement spéculatif permettant de justifier l’existence d’une activité réelle auprès d’actionnaires. Il serait donc irresponsable et partisan que de vouloir inquiéter indûment les populations en laissant croire ou, plus grave encore, en colportant la rumeur qu’une exploration du schiste en bonne et due forme  aurait bel et bien déjà commencé. 

En outre, il nous semble utile de parvenir à une meilleure connaissance de notre sous-sol, ne serait-ce que pour constater que « l’eldorado » que l’on voudrait nous faire miroiter ne se trouve pas sous nos pieds. De nombreux spécialistes s’insurgent aujourd’hui contre l’inflation des estimations proposées par l’industrie et quelques économistes. 

Comme toujours sachons raison garder !

jeudi 11 juillet 2013

La tragédie de Lac-Mégantic: des leçons à tirer


« … dans la nuit de samedi dernier, un convoi de 73 wagons-citernes de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) remplis de pétrole brut, a déraillé dans le centre-ville de Lac-Mégantic avant d'exploser. Les explosions et les incendies qui ont suivi ont ravagé une trentaine de bâtiments et fait plusieurs dizaines de victimes potentielles. » (Source : Radio Canada)

L’accident tragique survenu dans la petite ville de Lac-Mégantic dans la nuit du samedi 6 juillet doit nous interpeler.

Sur un plan humain tout d’abord, car nous ne pouvons, bien évidemment, pas rester indifférents face au drame qu’il a engendré : à ce jour on dénombre une cinquantaine de victimes et la destruction du centre ville historique de cette petite bourgade.

Sur un aspect plus technique ensuite, car il met en évidence un des dangers directement liés à l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère aux Etats-Unis : celui des risques inhérents au transport de ces hydrocarbures.

Aussi il nous a semblé utile et pertinent de faire appel à notre ami Marc Durand afin de lui demander de nous proposer son éclairage et sa première analyse sur cet événement, qui, nous le verrons dans son billet, était malheureusement prévisible :

« Dans le cas du pétrole de roche-mère du Dakota, il y avait cet élément complètement passé sous le radar: son transport au travers de l'Amérique vers les marchés de l'Est. Ça passe par les Cantons de l'Est, ma région, et c'est un accident tragique, pourtant pas surprenant du tout maintenant qu'on en analyse les causes après coup. 

Après coup, c'est toujours plus facile; la réalité des choses résulte elle de TOUS les paramètres. Nos analyses, nos débats nous semblent rigoureux et pourtant cet événement nous dit le contraire. Un paramètre pas vraiment pris au sérieux, s'invite de cette façon tragique dans le débat. Et des victimes innocentes, pas du tout impliquées, paient un prix exorbitant juste pour nous ramener à cette réalité.»  (Marc Durand)

 

Nous remercions, une nouvelle fois, Marc Durand pour son analyse et nous reviendrons sur ce point à l’occasion de notre réunion publique prévue à l’automne prochain puisque nous serons en liaison directe avec des résidents et des associations du Dakota du Nord, qui sous de nombreux aspects, et en particulier celui de sa géologie, est comparable au Bassin Parisien.

Vous pouvez lire le billet de Marc Durand en cliquant sur le lien ci-dessous:

Article de Marc Durand

dimanche 2 juin 2013

Présentation du rapport d'étape de l’OPECST


Même si ses conclusions sont déjà largement prévisibles, nous suivrons, et vous invitons à suivre cette semaine, la présentation du rapport d’étape sur les "techniques alternatives
à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste" .
Cette présentation aura lieu au Sénat mercredi 5 juin à 17h.
Nous vous proposerons un compte-rendu sur ce blog.


 
 
 

mardi 28 mai 2013

Sept arrêtés préfectoraux (Préfecture de Seine-et-Marne) en date du 30 avril 2013


Petit point sur les récents développements liés aux arrêtés que Mme le Préfet de Seine et Marne a pris le 30 avril. Ces arrêtés viennent verrouiller les possibilités d'exploitation du schiste en interdisant les travaux de « reconnaissance horizontale dans les formations du Lias ».

Ils nous paraissent de bonnes avancées. Cela dit, ils reposent sur la loi interdisant l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnelles (dite "loi Jacob" promulguée le 13 juillet 2011), loi aujourd'hui attaquée par une question prioritaire de constitutionnalité, et qui pourrait donc être censurée.

Voici les liens vers ces arrêtés préfectoraux pour plus de détails. Ils concernent notamment les permis de :

- Doue (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/011)
- Jouarre (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/012)
- Signy-Signets (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/013)
- Chartronges (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/014)
- Saint-Mars-Vieux-Maisons (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/015)
- Nonville (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/016)
- Sourdun (Arrêté préfectoral n° 2013/DCSE/M/017)

http://www.seine-et-marne.pref.gouv.fr/sections/recueil_des_actes_ad/recueils_2013/1er_semestre/recueil_des_actes_ad5700/downloadFile/attachedFile/raa_n21_du_21_mai_2013_40_pages.pdf?nocache=1369141314.06


Le Pays Briard a également écrit un article sur la question : http://www.lepaysbriard.fr/petrole-les-forages-horizontaux-interdits-9277/

De notre côté, nous restons toujours attachés à notre demande de mise en place d'un véritable moratoire s'inscrivant dans la durée.

mercredi 24 avril 2013

L'interdiction d'utiliser la fracturation hydraulique anticonstitutionnelle ?


C'est en tout cas ce que soutient la société Schuepbach qui a déposé une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel (QPC) visant les articles 1er et 3 de la loi du 13 juillet 2011, dite « loi Jacob »

Le pétrolier texan utilise cette procédure dans le cadre d'une contestation de l'abrogation de ses permis de recherche (Nant et Villeneuve de Berg) contre le ministère de l'Ecologie et du Développement durable, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. 

La question prioritaire de constitutionnalité a été introduite par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, et permet à tout justiciable de contester devant le Conseil constitutionnel une disposition législative qui porterait atteinte à ses droits et libertés, garantis dans la Constitution. La recevabilité de la question est étudiée par le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction de l’ordre administratif.  

Une fois saisi de la question, le Conseil constitutionnel dispose de trois mois pour y répondre. Pour mémoire, nous rappelons qu’il est composé de neuf membres nommés pour 9 ans : trois par le président du Sénat, trois par le président de l’assemblée et trois par le président de la République. Les anciens présidents en sont membres à vie de droit.  

Sur quoi s’appuie la QPC ?  

Schuepbach estime que l’interdiction de la fracturation hydraulique ne respecte le principe d’égalité des citoyens devant le droit. Pour le pétrolier, autoriser la géothermie profonde – qui a recourt à la fracturation hydraulique – mais l’interdire pour l’exploitation des hydrocarbures de schiste est contraire à la constitution.  

Il nous faut rappeler que si la géothermie profonde utilise effectivement cette technique, les implications ne sont nullement comparables avec celles induites par la fracturation de la roche mère. Les produits utilisés ne sont pas les mêmes, les quantités en jeu ne sont pas comparables, et l’objet sur lequel porte la technique n’est pas le même. Par analogie, si une foreuse est le bon outil pour percer une planche en bois, il est vivement déconseillé de l’utiliser pour percer un pipeline. Prétexter que puisque l’outil est le même, les implications sont les mêmes, est clairement fallacieux.  

Reste que si le Conseil constitutionnel invalide la loi Jacob, l’utilisation de la fracturation hydraulique par les pétroliers pourrait survenir extrêmement rapidement, dans la mesure où les permis sont d’ores et déjà attribués.  

Une décision à surveiller de près.

Pour de plus amples détails sur la QPC, consultez le Conseil National des Barreaux

lundi 22 avril 2013

OPECST : Audition du 18 avril 2013 - "Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels".



« Le Pays Briard » nous informe d’un dossier important portant sur les travaux de L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES qui tenait une audition ouverte à la presse, jeudi 18 avril, sur le thème : "Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels".
Nous vous invitons, bien évidemment, à prendre connaissance de cet article qui sera publié dans le « Pays Briard » de demain, mardi 23 avril 2013.

Pour vous permettre d’avoir une connaissance complète de cette séance, nous vous conseillons parallèlement de prendre le temps de visionner l’ensemble de cette audition, à partir du lien ci-dessous :
http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=4216&synchro=0&dossier=12

Vous le savez, nous vous proposons toujours de prendre connaissance des sources primaires afin de permettre à chacun de faire sa propre analyse et de se forger une opinion.
Nous vous proposerons une analyse des travaux de cette commission lors de la remise du rapport d’étape prévu avant l’été.

dimanche 21 avril 2013

Bande annonce du film "Promised Land"

Réunion publique du 19 avril 2013 - Séquence consacrée au film de Gus van Sant, "Promised Land"

Le 12 avril dernier, notre association avait été conviée par France Télévisions (France 3) à assister à une projection privée du film "Promised Land".
Suite à cette séance de cinéma, le journaliste Dominique Dumas avait interviewé quelques membres de l'ADSENE pour un sujet sur le film, qui a été diffusé dans le cadre du "Grand Soir 3" sur France 3 mercredi 17 avril.
Pour notre réunion publique du 19 avril, Anne-France Dautheville et France Maternati nous ont proposé un compte-rendu de ce film dont nous vous livrons le contenu ci-dessous:


Promised land
un beau film anti-schistes 

Lors de la réunion qui s'est tenue le vendredi 19 avril à Saint-Cyr sur Morin, j'ai tenté de donner envie de voir cette "Terre promise" sur grand écran. Voici, à quelques détails près, ce que j'ai raconté. J'ajoute que j'ai pris la parole, mais qu'elle avait été préparée avec l'aide précieuse de France  Maternati.
 
"Promised land" est sorti aux Etats-Unis le 28 décembre 2012, il est arrivé chez nous le 13 avril. Il raconte, de manière tout à fait romancée, l'histoire d'une petite ville démarchée par un exploitant de gaz de schistes.
 
Hollywood défend l'environnement.

L'Amérique ressemble un peu à la Grèce antique: qu'il se produise un événement important, il devient sujet de film, entre dans la légende. Le  11 septembre 2001, un avion s'est jeté contre les Twin towers de New-York, en 2006, les cinémas projetaient l'excellent "World Trade Center" d'Oliver Stone.

Défendre l'environnement par le film s'inscrit dans cette tradition, dès lors qu'un problème devient important. En 1960, déjà, Alan Ladd tenait la vedette dans "Tonnerre sur Timberland" qui posait la question de la déforestation. Plus récemment, dans "Erin Brokowitch" à propos de l'eau et "L'affaire Pélican" à propos d'une réserve naturelle, Julia Roberts se dressait contre des industriels sans âme, tandis que dans "Michael Clayton" George Clooney gagnait sa guerre contre un énième poison de l'agro-alimentaire.

"Promised land" est un film engagé qui est né de la volonté d'un acteur, Matt Damon. Il voulait se battre contre ceux qui ravagent la nature; dans un premier temps, il a tenté de prendre pour thème les éoliennes, le sujet était trop… aérien. Alors il s'est tourné vers l'exploitation des schistes. Et là, il a eu matière à un vrai film. Gus van Sant a accepté avec enthousiasme de le réaliser, c'est pourquoi nous pouvons voir cette Terre promise maintenant en France.

L'argent coule et tant pis pour le reste.

Le film raconte l'histoire de deux émissaires d'une grande société d'exploitation des schistes. Matt Damon, sympa, gentil, sans aucun doute sur sa mission, et Frances  McDormand la quarantaine bien sonnée, pas maquillée, pas coiffée, pas glamour, encore moins de doutes sur son métier. Ils arrivent dans une petite ville agricole pour acheter aux fermiers le droit de forer et d'exploiter les schistes. Leurs arguments sont évidents:

-Vous êtes tous en pleine crise, vous n'avez aucune perspective économique, nous vous signons un contrat d'achat avec une somme rondelette et en plus, vous toucherez un pourcentage sur les bénéfices.

En principe, cela devrait aller tout seul, d'autant plus qu'ils ont arrosé le maire. 

Pas du tout. 

Au cours de la réunion publique qui aurait dû emporter les décisions, un homme se dresse: il est âgé, il a de l'autorité, il n'est pas d'accord et, lui aussi, il a des arguments. Pour tout arranger, les anciens de la ville le soutiennent. Nos émissaires apprennent que le vieil homme est  éduqué et informé: il était professeur de sciences, il continue d'enseigner à titre bénévole, il sait de quoi il parle et sa parole est respectée. En bref, on ne peut pas le manipuler en le prenant pour un plouc.

C'est un premier grincement. Après, tout va se déglinguer. Le film va raconter la progression du doute dans les esprits de ceux qui étaient prêts à accepter qu'on exploite leur sous-sol en échange d'un bien-être matériel. On  voit un ou deux cerveaux d'huîtres qui signent et ne comprennent rien à rien, de plus en plus nombreux sont ceux qui mesurent soudain les liens qui les unissent à leur terre, à leur maison, à la campagne qui les entoure. Matt Damon, lui-même, commence à vaciller. France Maternati me faisait remarquer un détail que je n'avais pas noté: plusieurs fois, Frances McNormand lui dit que ses bottes sont bien pourries, il répond que ce sont celles de son grand-père; plus tard, nous apprenons qu'il est né dans une famille d'agriculteurs. Son attachement à ces bottes est un lien avec la terre, une première fissure dans son professionnalisme.  

La trahison la plus inimaginable.

"Promised land" montre l'éveil des consciences, Il construit une galerie de portraits, de relations entre les uns et les autres, la mise en place des raisonnements pour ou contre, une série de réponses à la logique de l'économie sans âme… je ne vous raconte pas le coup de théâtre absolument génial, inattendu pour une spectatrice lambda comme moi, mais qui était évident pour Dexter Raynaud parce qu'il connaît les méthodes des pétroliers. Même dans mon métier d'écrivain, je n'aurais osé imaginer une telle manipulation, et quand Dexter nous dit que tout, dans le film, est vrai, je le crois parce que le pire ne l'a pas surpris.

A la fin Matt Damon est viré de l'entreprise, il trouve l'amour. En principe,  le schiste ne devrait pas être fracturé et Frances Mc Dormand, toujours aussi peu maquillée et mal coiffée, retourne chez elle en disant: "Oh, bof, c'est juste un travail comme un autre !"

Je trouve que cette dernière phrase est parfaite parce qu'elle résume l'attitude de ceux qui font du fric en évitant de se poser trop de questions. C'est aussi fort et éclairant que toute la démonstration du film. 

France -USA, même combat

Il s'agit d'un film américain, basé sur une réalité légale qui n'est pas la nôtre, la propriété du sous-sol en l'occurrence. Mais il pose des questions, éveille des émotions, donne des certitudes qui deviennent les nôtres. En ce sens, il est utile d'aller le voir. D'autant plus qu'il est excellent, et qu'en effet, il donne des arguments.

Dernier détail: Abu Dhabi a participé à la production du film. Or, parmi les Emirats arabes unis, Abu Dhabi produit la moitié du pétrole qui assure la fortune de la région. On peut imaginer qu'investir dans un film contre les schistes concurrents du pétrole, ça va aider à protéger l'économie locale ! Matt Damon et Gus van Sant ignoraient totalement cet élément du montage financier. 

Anne-France Dautheville et France Maternati