dimanche 8 décembre 2013

Une analyse de Marc Durand : Interdiction fracturation = Interdiction recherche scientifique?

Nous remercions notre ami Marc Durand qui nous a fait parvenir son analyse où il revient sur les conclusions du
Rapport de l'Académie des Sciences  en date du 15 novembre 2013
et du
Rapport de l'OPECST  portant sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique adopté le 26 novembre 2013:

 
Interdiction fracturation = Interdiction recherche scientifique?

On avance comme argument pour tenter de faire lever l'interdiction de la fracturation hydraulique que cette interdiction empêcherait la poursuite de la recherche scientifique. La science dont il serait question ici est la recherche en géologie relative aux gisements d'hydrocarbures.

Premièrement dans le domaine de la R&D (recherche et développement), l'exploration des gisements d'hydrocarbures de roche mère se situe beaucoup plus du côté "développement" que du côté du pôle "recherche".

On peut distinguer trois volets à la R&D:

 1- La recherche fondamentale

 2- La recherche appliquée

 3- Le développement expérimental

Il y a aussi le développement pur est simple, c'est-à-dire la dernière étape avant la mise en production dans le cas d'un procédé industriel; cette étape comme celle de la production ne relève pas de la R&D.

Dans les juridictions où un interdit touche la fracturation hydraulique (France, Vermont, Espagne, Québec, etc) c'est l'emploi d'une technique déjà inventée, testée sur des dizaine de milliers de puits aux USA, qui est prohibé. La recherche géologique dans ces mêmes secteurs géographiques n'est pas interdite. Tester la rentabilité d'une technique déjà développée et protégée par des brevets, dans des secteurs géographiques nouveaux, ne constitue pas de la recherche. Le but d'opérations de fracturation en France serait de tester la rentabilité d'une technique existante dans un nouveau gisement et non pas de tenter d'inventer une nouvelle approche technologique. C'est du développement pré-production et nullement de la R&D.

Tout forage, et l'emploi de toutes les autres techniques d'exploration améliore la connaissance du milieu géologique souterrain; cela constitue de la recherche géologique appliquée à un contexte géologique. Mais c'est l'analyse des échantillons de roc remontés dans les opérations de forage qui sert à cette connaissance. Si des opérations de fracturation sont ensuite effectuées dans le forage, cela n'a pour but que la future production de pétrole ou de gaz. Cela n'a plus rien à voir avec la recherche géologique.

Supposons un instant qu'on penserait inventer en France une technique maison de fracturation hydraulique écologique par exemple, on serait peut-être alors dans 3- du développement expérimental, mais certainement pas dans de la recherche là non plus. Cette illusion bien française de lever l'interdiction afin de mettre au point la "recette maison" ne tient pas la route. Le développement de la fracturation hydraulique aux USA s'est poursuivi sur des milliers de fracturations; la recette est maintenant protégée par des brevets américains. En France, comme au Québec un certain temps, on envisage quelques dizaines de forages expérimentaux avec des permis dérogatoires, bien trop peu en réalité pour tenter une compétition avec la fracturation hydraulique classique.

Les droits sur la ressource en hydrocarbures sont déjà accordés en France, à des détenteurs nord-américains pour la plupart. Leur intérêt premier est de mettre en valeur ces permis d'exploitation; ils ont déjà la technique toute prête. Réinventer la roue ne sera pour eux que des frais inutiles. Ils pourront comme au Québec faire semblant de se plier de bonne grâce à ces contraintes; le PDG de l'APGQ (l'association de l'industrie au Québec) l'a exprimé très clairement ainsi "… nous ne pensons pas qu'étudier 6 puits expérimentaux au Québec … nous permettra d'apprendre quoi que ce soit de plus que nous connaissons déjà avec 40000 puits dans le reste de l'Amérique du Nord"   (http://youtu.be/-ktLQ2rDAkg).

Toute dérogation, toute fracturation autorisée sera bienvenue pour l'aspect économique uniquement; c'est très bénéfique pour faire monter la valeur des droits miniers détenus par les pétroliers. De la motivation en termes de profits certes, mais prétendre que c'est de la science est tout à fait faux !

Marc Durand, doct-ing.  décembre 2013