Rapport de l'Académie des Sciences en date du 15 novembre 2013
et du
Rapport de l'OPECST portant sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique adopté le 26 novembre 2013:
Interdiction fracturation = Interdiction
recherche scientifique?
On avance comme argument pour tenter de
faire lever l'interdiction de la fracturation hydraulique que cette
interdiction empêcherait la poursuite de la recherche scientifique. La science
dont il serait question ici est la recherche en géologie relative aux gisements
d'hydrocarbures.
Premièrement dans le domaine de la
R&D (recherche et développement), l'exploration des gisements
d'hydrocarbures de roche mère se situe beaucoup plus du côté "développement"
que du côté du pôle "recherche".
On peut distinguer trois volets à la
R&D:
1-
La recherche fondamentale
2-
La recherche appliquée
3-
Le développement expérimental
Il y a aussi le développement pur
est simple, c'est-à-dire la dernière étape avant la mise en production dans le
cas d'un procédé industriel; cette étape comme celle de la production ne relève
pas de la R&D.
Dans les juridictions où un interdit
touche la fracturation hydraulique (France, Vermont, Espagne, Québec, etc)
c'est l'emploi d'une technique déjà inventée, testée sur des dizaine de
milliers de puits aux USA, qui est prohibé. La recherche géologique dans ces
mêmes secteurs géographiques n'est pas interdite. Tester la rentabilité d'une
technique déjà développée et protégée par des brevets, dans des secteurs
géographiques nouveaux, ne constitue pas de la recherche. Le but d'opérations
de fracturation en France serait de tester la rentabilité d'une technique
existante dans un nouveau gisement et non pas de tenter d'inventer une nouvelle
approche technologique. C'est du développement pré-production et nullement de
la R&D.
Tout forage, et l'emploi de toutes les autres techniques d'exploration améliore la connaissance du milieu géologique souterrain; cela constitue de la recherche géologique appliquée à un contexte géologique. Mais c'est l'analyse des échantillons de roc remontés dans les opérations de forage qui sert à cette connaissance. Si des opérations de fracturation sont ensuite effectuées dans le forage, cela n'a pour but que la future production de pétrole ou de gaz. Cela n'a plus rien à voir avec la recherche géologique.
Supposons un instant qu'on penserait
inventer en France une technique maison de fracturation hydraulique
écologique par exemple, on serait peut-être alors dans 3- du
développement expérimental, mais certainement pas dans de la recherche là
non plus. Cette illusion bien française de lever l'interdiction afin de mettre
au point la "recette maison" ne tient pas la route. Le
développement de la fracturation hydraulique aux USA s'est poursuivi sur des
milliers de fracturations; la recette est maintenant protégée par des brevets
américains. En France, comme au Québec un certain temps, on envisage quelques
dizaines de forages expérimentaux avec des permis dérogatoires, bien trop peu
en réalité pour tenter une compétition avec la fracturation hydraulique
classique.
Les droits sur la ressource en
hydrocarbures sont déjà accordés en France, à des détenteurs nord-américains
pour la plupart. Leur intérêt premier est de mettre en valeur ces permis
d'exploitation; ils ont déjà la technique toute prête. Réinventer la roue ne
sera pour eux que des frais inutiles. Ils pourront comme au Québec faire
semblant de se plier de bonne grâce à ces contraintes; le PDG de l'APGQ (l'association
de l'industrie au Québec) l'a exprimé très clairement ainsi "… nous ne
pensons pas qu'étudier 6 puits expérimentaux au Québec … nous permettra
d'apprendre quoi que ce soit de plus que nous connaissons déjà avec 40000 puits
dans le reste de l'Amérique du Nord"
(http://youtu.be/-ktLQ2rDAkg).
Toute dérogation, toute fracturation
autorisée sera bienvenue pour l'aspect économique uniquement; c'est très
bénéfique pour faire monter la valeur des droits miniers détenus par les
pétroliers. De la motivation en termes de profits certes, mais prétendre que
c'est de la science est tout à fait faux !
Marc Durand, doct-ing. décembre 2013