Alors que le gouvernement québécois a annoncé
la promulgation d’un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste, ce dernier
serait sur le point d’accepter l’exploitation du pétrole de schiste (shale oil)
dans l’Ile d’Anticosti.
Marc Durand, qui depuis le tout début de la
fondation de notre association, nous apporte ses explications éclairées et nous
fait régulièrement partager ses connaissances dans le domaine de l’exploration
et de l’exploitation des hydrocarbures de la roche-mère nous propose de
visionner un enregistrement d’une conférence qu’il a donnée le 30 janvier 2013
à l’Université du Québec à Montréal.
Cette conférence s’intitule : « Risques
et enjeux de l’exploitation du pétrole de roche-mère à Anticosti ».
Vous pouvez accéder à cette vidéo grâce à la visionneuse ci-dessous:
Nous laissons la parole à Marc Durand, qui
nous présente, ci-dessous, ce document :
« L'exploitation envisagée des hydrocarbures disséminés et encore
emprisonnés de façon diffuse dans la roche-mère qui les a générés, soulève un
grand nombre de questions, pour lesquelles il n'y a pas encore de réponses
scientifiques. En effet, le démarrage de cette industrie s'est fait au milieu
de la dernière décennie dans un contexte de précipitation qui a soulevé ensuite
des oppositions, contestations et interrogations. La réflexion plus
scientifique sur les impacts et les enjeux réels commencent à peine à être
amorcée dans le cas des gaz de schiste.
La question du pétrole à l'île Anticosti a quant à elle encore moins de
précédents. L'île d'Anticosti se situe au Québec au milieu du golfe St-Laurent,
une zone protégée de grande valeur écologique. Sa superficie se compare à celle
de la Corse. Le principal site d'exploitation d'hydrocarbures liquides dans la
roche-mère est celui du shale de Bakken au Dakota Nord. Cette présentation
vidéo fait une analyse comparative du shale de Macasty à Anticosti avec le
gisement en cours d'exploitation dans le shale de Bakken. L'exploitation
éventuelle du pétrole de roche-mère dans le bassin de Paris, même si elle n'est
pas mentionnée dans cette vidéo, présente de grandes similitudes avec ces deux
gisements diffus: Anticosti et Dakota Nord.
Le problème de l'extraction des hydrocarbures de roche-mère se situe dans
des paramètres géologiques et technologiques. La fracturation hydraulique (ou
tout autre technique future) démarre un processus géologique de migration du
méthane et du pétrole le cas échéant vers les nouvelles fractures créées. Le
débit suit une courbe de décroissance exponentielle de sorte que l'extraction
n'est rentable que pour une courte période de temps. Les gisements
conventionnels se sont formés aussi par migration du pétrole, mais ils ont eu des
millions d'années pour compléter le processus. Dans le cas du gaz de schiste en
fin de production commerciale (moment où les puits sont abandonnés et
transférés à l'État), environ 20 % du gaz aura été extrait. Dans le cas des
hydrocarbures liquides, cette proportion tombe à 2 ou 3 %. Le problème de cette
industrie n'est pas le gaz et le pétrole extrait, mais celui qui reste encore
dans le shale fracturé artificiellement. Le système au moment de l'abandon, est
encore très loin de l'équilibre; le processus de migration va se poursuivre
pendant des siècles et des millénaires, un temps incommensurablement plus long
que la durée de vie technologique des puits reconvertis en bouchon en fin de
production. Le coût de gestion des puits détériorés et fuyants sera selon toute
vraisemblance bien supérieur aux bénéfices à court terme qu'on fait miroiter.
La "rentabilité" à court terme mise de l'avant par les promoteurs, ne
réside que dans le fait que l'industrie bénéficie d'une vision à court terme
incarnée dans une réglementation inadaptée à inclure dans le calcul économique
les très importants coûts sociaux et environnementaux. »
Marc Durand, doct-ing en géologie appliquée et géotechnique
Professeur retraité, dépt. sciences de la Terre et de l'atmosphère, UQAM
https://www.facebook.com/gazdeschiste#!/gazdeschiste
Professeur retraité, dépt. sciences de la Terre et de l'atmosphère, UQAM