dimanche 21 avril 2013

Bande annonce du film "Promised Land"

Réunion publique du 19 avril 2013 - Séquence consacrée au film de Gus van Sant, "Promised Land"

Le 12 avril dernier, notre association avait été conviée par France Télévisions (France 3) à assister à une projection privée du film "Promised Land".
Suite à cette séance de cinéma, le journaliste Dominique Dumas avait interviewé quelques membres de l'ADSENE pour un sujet sur le film, qui a été diffusé dans le cadre du "Grand Soir 3" sur France 3 mercredi 17 avril.
Pour notre réunion publique du 19 avril, Anne-France Dautheville et France Maternati nous ont proposé un compte-rendu de ce film dont nous vous livrons le contenu ci-dessous:


Promised land
un beau film anti-schistes 

Lors de la réunion qui s'est tenue le vendredi 19 avril à Saint-Cyr sur Morin, j'ai tenté de donner envie de voir cette "Terre promise" sur grand écran. Voici, à quelques détails près, ce que j'ai raconté. J'ajoute que j'ai pris la parole, mais qu'elle avait été préparée avec l'aide précieuse de France  Maternati.
 
"Promised land" est sorti aux Etats-Unis le 28 décembre 2012, il est arrivé chez nous le 13 avril. Il raconte, de manière tout à fait romancée, l'histoire d'une petite ville démarchée par un exploitant de gaz de schistes.
 
Hollywood défend l'environnement.

L'Amérique ressemble un peu à la Grèce antique: qu'il se produise un événement important, il devient sujet de film, entre dans la légende. Le  11 septembre 2001, un avion s'est jeté contre les Twin towers de New-York, en 2006, les cinémas projetaient l'excellent "World Trade Center" d'Oliver Stone.

Défendre l'environnement par le film s'inscrit dans cette tradition, dès lors qu'un problème devient important. En 1960, déjà, Alan Ladd tenait la vedette dans "Tonnerre sur Timberland" qui posait la question de la déforestation. Plus récemment, dans "Erin Brokowitch" à propos de l'eau et "L'affaire Pélican" à propos d'une réserve naturelle, Julia Roberts se dressait contre des industriels sans âme, tandis que dans "Michael Clayton" George Clooney gagnait sa guerre contre un énième poison de l'agro-alimentaire.

"Promised land" est un film engagé qui est né de la volonté d'un acteur, Matt Damon. Il voulait se battre contre ceux qui ravagent la nature; dans un premier temps, il a tenté de prendre pour thème les éoliennes, le sujet était trop… aérien. Alors il s'est tourné vers l'exploitation des schistes. Et là, il a eu matière à un vrai film. Gus van Sant a accepté avec enthousiasme de le réaliser, c'est pourquoi nous pouvons voir cette Terre promise maintenant en France.

L'argent coule et tant pis pour le reste.

Le film raconte l'histoire de deux émissaires d'une grande société d'exploitation des schistes. Matt Damon, sympa, gentil, sans aucun doute sur sa mission, et Frances  McDormand la quarantaine bien sonnée, pas maquillée, pas coiffée, pas glamour, encore moins de doutes sur son métier. Ils arrivent dans une petite ville agricole pour acheter aux fermiers le droit de forer et d'exploiter les schistes. Leurs arguments sont évidents:

-Vous êtes tous en pleine crise, vous n'avez aucune perspective économique, nous vous signons un contrat d'achat avec une somme rondelette et en plus, vous toucherez un pourcentage sur les bénéfices.

En principe, cela devrait aller tout seul, d'autant plus qu'ils ont arrosé le maire. 

Pas du tout. 

Au cours de la réunion publique qui aurait dû emporter les décisions, un homme se dresse: il est âgé, il a de l'autorité, il n'est pas d'accord et, lui aussi, il a des arguments. Pour tout arranger, les anciens de la ville le soutiennent. Nos émissaires apprennent que le vieil homme est  éduqué et informé: il était professeur de sciences, il continue d'enseigner à titre bénévole, il sait de quoi il parle et sa parole est respectée. En bref, on ne peut pas le manipuler en le prenant pour un plouc.

C'est un premier grincement. Après, tout va se déglinguer. Le film va raconter la progression du doute dans les esprits de ceux qui étaient prêts à accepter qu'on exploite leur sous-sol en échange d'un bien-être matériel. On  voit un ou deux cerveaux d'huîtres qui signent et ne comprennent rien à rien, de plus en plus nombreux sont ceux qui mesurent soudain les liens qui les unissent à leur terre, à leur maison, à la campagne qui les entoure. Matt Damon, lui-même, commence à vaciller. France Maternati me faisait remarquer un détail que je n'avais pas noté: plusieurs fois, Frances McNormand lui dit que ses bottes sont bien pourries, il répond que ce sont celles de son grand-père; plus tard, nous apprenons qu'il est né dans une famille d'agriculteurs. Son attachement à ces bottes est un lien avec la terre, une première fissure dans son professionnalisme.  

La trahison la plus inimaginable.

"Promised land" montre l'éveil des consciences, Il construit une galerie de portraits, de relations entre les uns et les autres, la mise en place des raisonnements pour ou contre, une série de réponses à la logique de l'économie sans âme… je ne vous raconte pas le coup de théâtre absolument génial, inattendu pour une spectatrice lambda comme moi, mais qui était évident pour Dexter Raynaud parce qu'il connaît les méthodes des pétroliers. Même dans mon métier d'écrivain, je n'aurais osé imaginer une telle manipulation, et quand Dexter nous dit que tout, dans le film, est vrai, je le crois parce que le pire ne l'a pas surpris.

A la fin Matt Damon est viré de l'entreprise, il trouve l'amour. En principe,  le schiste ne devrait pas être fracturé et Frances Mc Dormand, toujours aussi peu maquillée et mal coiffée, retourne chez elle en disant: "Oh, bof, c'est juste un travail comme un autre !"

Je trouve que cette dernière phrase est parfaite parce qu'elle résume l'attitude de ceux qui font du fric en évitant de se poser trop de questions. C'est aussi fort et éclairant que toute la démonstration du film. 

France -USA, même combat

Il s'agit d'un film américain, basé sur une réalité légale qui n'est pas la nôtre, la propriété du sous-sol en l'occurrence. Mais il pose des questions, éveille des émotions, donne des certitudes qui deviennent les nôtres. En ce sens, il est utile d'aller le voir. D'autant plus qu'il est excellent, et qu'en effet, il donne des arguments.

Dernier détail: Abu Dhabi a participé à la production du film. Or, parmi les Emirats arabes unis, Abu Dhabi produit la moitié du pétrole qui assure la fortune de la région. On peut imaginer qu'investir dans un film contre les schistes concurrents du pétrole, ça va aider à protéger l'économie locale ! Matt Damon et Gus van Sant ignoraient totalement cet élément du montage financier. 

Anne-France Dautheville et France Maternati